Le premier Tourangeau à boucler la boucle, le premier as de Touraine et celui qui a remporté le plus grand nombre de victoires : onze, au moment de sa disparition, le 25 octobre 1916, près de Douaumont. La Touraine lui a longtemps oublié.
« Avant les médailles et les grades, une chose m’a toujours tenu à cœur, c’est de venger mon frère aîné. C’est sa mémoire qui me fait agir au moment de mes combats, c’est sa pensée qui me réconforte dans mes coups durs. Il peut avoir confiance. Mes deux frères, plus jeunes, mon beau-frère et moi, tous au front, revaudrons au centuple aux Boches la douleur qu’ils nous ont causée. »
Ces quelques lignes sont extraites d’une longue lettre adressée par Maxime Lenoir à Jacques Mortane, quelques jours avant de disparaître, lettre que le journaliste et historien de l’aviation a publiée dans son livre « Chasseurs de Boches » (1).
Des quatre frères Lenoir, Maxime fut le second à disparaître et Denis – appelé Marceau dans la famille –, lui aussi pilote, le seul à revenir. Steven Spielberg aurait pu en faire une belle histoire… A Chargé, il n’est longtemps resté de Maxime Lenoir, qui fut le premier « looper » et le premier as de Touraine, qu’une ligne sur le monument aux morts. Son frère Daniel n’est pas loin, avec les victimes de 1917. Samuel, l’aîné, est sur celui de Montlouis (2). Point final.
L’oubli a été réparé – et de quelle manière – en 2014 par la Touraine (civile et militaire) qui l’a choisi pour représenter le département dans l’opération 100 villes, 100 héros 100 drapeaux ; par Chargé en 2016 avec le baptême de l’école fréquentée par le futur as, devenue école Maxime-Lenoir, avec le concours de l’armée de l’air, de la base aérienne et de l’École de l’aviation de chasse.
Fils de vigneron,
Maxime Lenoir préfère les loopings aux tonneaux
En quittant la Touraine pour Paris où il passa son brevet de pilote chez Blériot, à Buc, Maxime Lenoir entama avec la Touraine, une histoire en pointillé : quelques petits traits et de grands vides.
Car Maxime Lenoir préféra les loopings aux tonneaux. On était pourtant vigneron de père en fils dans la famille Lenoir. Lors de sa naissance, le 22 décembre 1888, à Chargé, près d’Amboise, son père, était vigneron. Et avant lui son père également. La mère de Maxime, Louise Amirault, avait quitté les vignes de Chisseaux, de l’autre côté de la forêt d’Amboise, au bord du Cher. Elle était fille de vigneron.
Maxime Lenoir a obtenu son brevet le 5 décembre 1913 à Buc (n° 1 564), chez Blériot. Après une courte formation, sans casse. Une fois breveté, Maxime Lenoir a choisi le métier d’aviateur. Le brevet à peine en poche, il achèta un Blériot XI. Une question demeure : comment échappe-t-on à la terre pour devenir aviateur en 1913 ? La tradition familiale penche pour une femme, aisée sans doute, qui le poussa dans cette passion. Il est probable que Maxime Lenoir est venu à l’aviation par la mécanique, comme son frère Denis.
On le rencontre à Béziers, du 8 au 15 mars. Puis du 13 au 20 avril, à Nîmes. Le 5 mai à Montélimar. Il vole également à Perpignan. Il y effectue à chaque fois de nombreux loopings. Une première pour de nombreux spectateurs. Son Blériot est d’ailleurs baptisé « Back Jumper » – le saut en arrière – sans doute en référence au looping.
Il s’engagea, toujours fidèle au Blériot XI, dans la première prime 1914 de la coupe Pommery, une compétition en décrépitude. Cinq pilotes s’inscrirent avant la date limite du 12 mai, à minuit : Pierre Verrier, Geo Chemet, Marc Bonnier, Louis Pierron et Maxime Lenoir.
Le Tourangeau prit même un départ de Juvisy, le jeudi 14 mai. Son raid se termina à la maison, à Chargé. Ce fut l’occasion pour l’aviateur et sa région de renouer le fil de leur histoire. Un retour célébré dans le journal La Dépêche.
« Notre commune possède, elle aussi son aviateur. Jeudi matin, en effet, au lever du soleil, l’aviateur Maxime Lenoir, enfant du pays, est venu en un beau vol plané atterrir au-dessus de la ferme de la Girardière. Bientôt les habitants de la commune se trouvaient réunis, entourant leur compatriote, le félicitant pour son courage et son adresse et tous l’applaudirent lorsqu’une charmante jeune fille vint offrir à l’aviateur une superbe gerbe. Après une halte de deux heures environ, le jeune et hardi aviateur a repris la voie des airs et, salué par les applaudissements de tous, il a effectué de magnifiques vols planés ; puis il prit la direction de Tours ; mais quelle ne fut pas notre joie de le voir revenir, le soir même, vers 4 h, à son pays natal. Une nouvelle ovation lui fut faite. »
Mieux, un rendez-vous fut pris : à dimanche prochain, dans la plaine de la Boitardière. De retour en Amboisie, Maxime Lenoir en profita donc pour montrer ce qu’il pouvait faire avec un avion. Merveilleuse époque où, en quelques heures, on pouvait mettre sur pied une fête aérienne.
« Dimanche 17 mai, à 3 h, l’aviateur Maxime Lenoir effectuera différents vols : looping the loop, renversements sur l’aile, descente en spirales, vols sur le dos, et tous les derniers exercices exécutés à ce jour. Entrée gratuite », annoncèrent les journaux. Un train spécial se chargea des spectateurs : « Amboise, départ 14 h 30, arrivée 15 h 2 à Chargé ; retour, départ de Chargé à 17 h 30, arrivée à Amboise à 17 h 42. »
La foule se pressa. Seuls Edmond Audemars et Abel Grazzioli avaient bouclé la boucle en Indre-et-Loire. C’était le mois précédent.
« C’est devant plus de 5.000 spectateurs qui l’acclamèrent chaleureusement que Lenoir a exécuté une série d’exercices de la plus grande difficulté avec une aisance et une souplesse remarquables. C’est à 4 h 30, malgré un vent violent que Maxime Lenoir a commencé ses vols. Il s’est élevé à 1.000 m. Successivement il a exécuté des vols planés, des vols en tire-bouchon (sur place), des vols en cheminée et finalement le bouclement de la boucle. Il a accompli ce périlleux exercice plusieurs fois, toujours très lentement et avec une grande facilité.
« Une chaleureuse ovation fut faite au jeune aviateur quand il atterrit pour la dernière fois. Maxime Lenoir fut porté en triomphe par ses camarades d’école. »
Maxime Lenoir recommença le jeudi suivant, à Limeray, sur l’autre rive de la Loire. « Les habitants de Limeray et des environs ont eu la bonne fortune d’assister à un spectacle vraiment rare dans les campagnes, s’enthousiasma le correspondant de La Dépêche. […] Maxime Lenoir renouvela les prouesses qu’il avait exécutées précédemment à Chargé. Tous ses exercices : vols en spirale, glissade sur l’aile, descente en tire-bouchon et surtout le bouclement de la boucle provoquèrent les acclamations enthousiastes de la foule. »
Dans son discours, le maire lui confia que « Limeray se souviendra longtemps du compatriote Maxime Lenoir, qui pour la première fois, a donné l’occasion de faire voir d’aussi près cette majestueuse machine aérienne conduite d’ailleurs avec un talent remarquable. » Le meeting rapporta 650 F à Maxime Lenoir qui abandonna 50 F aux sociétés de la commune.
Maxime Lenoir poursuivit avec le “Pique-Nique aérien” de Chartres. Il voulut également participer à la course Londres – Paris – Londres. Mais sa carrière de pilote professionnel prit fin du côté de Courtenay (3). Parti de Reims pour rentrer à Juvisy, le vent le déporta tant qu’il finit par capoter dans le nord du Loiret. Il pilotait, cette fois, un monoplan Ponnier. Nous étions le 7 juillet.
“ Il y a tout de même une justice sur terre.
Maxime Lenoir
Mais elle devrait bien augmenter la puissance de son moteur. ”
Moins d’un mois plus tard, il partait à la guerre. Comme pilote ? Bien sûr que non. Il n’était pas militaire. Quatre-vingt dix ans après on est aussi surpris que dut l’être Maxime Lenoir. « Je pensais que j’allais partir dans la cinquième arme, écrivit-il à Jacques Mortane. On me fit […] l’offre d’une superbe jument en ma qualité de cavalier (4). Je montais bien un véhicule, mais ce n’était certes pas celui que j’avais rêvé. D’ailleurs la pauvre bête qui avait le suprême honneur de me porter fut victime bientôt d’un de ces multiples incidents qu’on rencontre fréquemment lorsqu’on joue à la guerre : elle fut tuée sous moi. »
La guerre de mouvement terminée, l’armée s’aperçut qu’elle avait besoin d’avions et de pilotes. Les écoles furent rouvertes : « Je renouvelai sans cesse mes demandes et, tout en continuant à guerroyer, j’attendais patiemment la réalisation de mon rêve. A la fin de 1914, j’obtenais enfin gain de cause : comme quoi il y a tout de même une justice sur terre. Mais elle devrait bien augmenter la puissance de son moteur. »
C’est le 8 novembre 1914 qu’un télégramme du général aide-major général le fit changer de monture : « Vous prie diriger cavalier Lenoir du 7e Régiment hussards sur École aviation Avord pour y reprendre son entraînement de pilote aviateur. » (5)
Il vola sur Blériot XI à Avord puis sur Caudron G 3 à Saint-Cyr où il resta un peu avant d’être affecté à l’escadrille C 18, dans le secteur de Verdun, un secteur qu’il ne quitta plus.
Les souvenirs qu’il garda de cette escadrille constituent un magnifique coup de chapeau aux régleurs d’artillerie. « J’étais versé sur Caudron […] Dès notre arrivée, nous étions spécialement affectés au réglage d’artillerie. Eh bien ! j’ose l’avouer, ce n’était pas drôle du tout, oh ! mais là pas du tout. Il fallait rester des heures entières dans le froid, la neige, pour repérer des batteries et communiquer aux nôtres les effets de leur tir. Nulle distraction, sinon la contemplation des gros noirs qui cherchaient à nous descendre. De temps en temps, nous avions un intermède qui nous passionnait, nous allions faire du bombardement. C’était plus intéressant. Et puis parfois aussi, on faisait du combat. »
C’est ainsi qu’il obtint une première victoire, le 5 juin 1915, vers Sivry-la-Perche (à l’ouest de Verdun). « J’étais parti en reconnaissance avec le lieutenant Rivier. J’étais occupé à prendre ma hauteur dans mon secteur, lorsque j’apercevais soudain dans le lointain des coups de canon. Je me précipitais dans cette direction et découvrais bientôt un magnifique Boche qui prenait des photographies. Le capitaine Quillien, tué depuis et qui était un grand héros, se joignait à nous. Mon observateur ouvrait le feu à quelques mètres de l’ennemi qui, non dénué de courage, au lieu de s’enfuir, faisait demi-tour et commençait à nous mitrailler […]
« Je manœuvrais donc en conséquence, tournant et retournant. Lui aussi. Ç’aurait été comique si notre existence n’avait pas été en jeu ! Fallait-il que je fusse un apprenti-chasseur ! Le capitaine Quillien collaborait avec nous et finalement le Boche à le peau si dure piquait, s’effondrait, faisait un superbe looping et allait se briser sur le sol dans nos lignes. » Maxime Lenoir et son observateur s’en sortirent sans une égratignure mais avec dix-sept trous dans le Caudron.
Dans la foulée, il incendia un ballon allemand. L’homologation n’intervint que plus tard, les Drachen n’étant pas considérés comme gibier. Il quitta la C 18 pour la MS 23 le 29 août 1915. Maxime Lenoir était enfin chasseur.
“ Je rentrais souvent avec mon appareil
Maxime Lenoir
transformé en passoire ”
Il y fit des débuts aussi prudents que discrets. « Ils furent ceux d’un besogneux, d’un travailleur : je cherchais simplement à devenir un champion, mais ne prétendait pas y réussir en quelques semaines. Que d’émotions avant d’obtenir l’ombre d’un succès !
« Je volais d’abord des quatre, cinq et six heures par jour. J’ai eu dix combats en moins de deux semaines. Je rentrais souvent avec mon appareil transformé en passoire. »
En février ou mars 1916, Maxime Lenoir expérimenta une nouvelle façon de devenir chasseur… L’idée était pour le moins originale. « A bord nous emportions un fil en corde à piano de 60 mètres de long que nous pouvions dérouler automatiquement dès qu’un Boche survenait à l’horizon. Nous le laissions alors traîner, nous coupions la trajectoire de l’adversaire et nous nous arrangions de façon à ce que le fil terminé par quatre volumineuses pointes se prenne dans l’avion ennemi. Une fois le contact établi, le choc brisait le grappin et déclenchait une amorce de dynamite. Et notre victime explosait en l’air […] Sur le papier, ce système semble extraordinaire et appelé au plus bel avenir. La pêche aux Boches paraît le sport de l’avenir. Malheureusement il n’en a rien été dans la réalité et tous les essais de Pulpe de même que les miens montrèrent l’inanité de nos efforts. Pourtant, je vous affirme que nous y mettions tout notre cœur. Pensez-vous quel aurait été l’émoi de l’adversaire si nous avions pu mettre à exécution un projet aussi machiavélique. Il était plus sage de ne pas insister. »
Qu’il faille du temps pour faire un bon chasseur, René Fisch en témoigna pour la revue Icare (6). Petit saut dans le temps…
Après sa sortie de l’école d’acrobatie de Pau, la route de René Fisch croisa celle de Maxime Lenoir à la N 23. Son histoire démontre que Maxime Lenoir savait partager son art : « Alors, un beau jour, je vole pour la première fois sur les lignes, tout fier, plein de mordant, plein d’esprit d’attaque et me voilà rentré bredouille, je n’avais rien vu, raconte René Fisch. L’adjudant Lenoir, le doyen de l’escadrille (il n’avait pas 28 ans !), était là pour m’accueillir ; il me dit : “Petit jeunot, ça s’est bien passé ? As-tu vu des avions ennemis ?” Je répondis : “Eh bien, non, je n’ai rien vu, et pourtant j’ai écarquillé les yeux dans tous les sens.” “Mais, dis-moi, ajouta-t-il, quand tu étais au-dessus des Éparges, tu as voulu te moucher, tu sauras qu’il ne faut pas mettre le mouchoir dans la poche de ta combinaison, surtout avec le froid. Il faut que tu l’aies comme ça, dans ton gousset. Tu as mis au moins cinq minutes pour chercher ton mouchoir, et c’est tout juste si tu ne l’avais laissé s’envoler” […] J’étais, moi, tout étonné ! Il me dit : “Oh ! tu comprends, c’était ta première sortie, alors je suis resté à 50 m derrière toi, je ne t’ai pas quitté de l’œil.” Et je ne l’avais pas vu ! Alors, il a ajouté : “Maintenant, nous allons partir tout de suite, ensemble, je vais t’apprendre.” Et il m’a appris tout ce que l’on aurait dû apprendre dans toutes les écoles d’acrobatie. »
Du temps, il en fallut également du temps à Maxime Lenoir pour devenir un as. Arrivé le 19 août 1915, il n’obtint sa première victoire avec la N 23 que le 17 mars 1916, à Dun-sur-Meuse (nord-ouest de Verdun), deux jours après une sortie qui lui valut une citation et la Médaille militaire. Il en a raconté le déroulement à Jacques Mortane. « Un jour, ayant comme mission de protéger une reconnaissance, je me heurte à un groupe de Boches. Nous nous battons avec la dernière énergie. Malheureusement, au bout de quelques balles ma mitrailleuse s’enraye !
« Que faire ? Je ne peux pas partir […] Je reste là à faire des volte-face de toutes sortes, à piquer comme un fou pour faire croire que je vais tenter l’abordage […] Et pendant ce temps, mes compagnons continuaient leur reconnaissance sans être le moins du monde dérangés dans leurs évolutions.
« Je dois avouer que je l’ai échappé belle ce jour-là. On le comprit bien à mon retour, car tout le monde à l’aérodrome voulait m’embrasser. Dans quel état était mon appareil : le train d’atterrissage était coupé, l’hélice perforée de part en part, les ailes transpercées. De-ci de-là des balles étaient passées, brisant un point, cisaillant un autre. »
D’autres citations mentionnèrent son « plus profond mépris de la mort ». Maxime Lenoir était fier de ce trait de caractère. Il baptisa « Trompe-la-mort III » le Spad VII avec lequel il fut abattu. La mort ? « Oui, je la méprise et elle ne me fait pas peur, quoique la vie soit par instants bien douce et bien agréable. Mais une belle mort, n’est-ce pas joli aussi ? »
L’escadrille N 23 fut, en 1916, un concentré de pilotes de talent. Elle réunît, autour du capitaine Louis de Beauchamp, des as comme Jean Baumont, le Russe Edward Pulpe, le Suisse Théophile Ingold, Jean Casale, Marcel Garet ou encore « une des plus belles figures » de l’aviation d’avant-guerre, Marcel Brindejonc des Moulinais (7).C’est avec lui que Maxime Lenoir fit son entrée parmi les as.
« La suprême joie pour un chasseur est d’abattre sa cinquième pièce pour avoir droit aux honneurs du communiqué, écrivit-il encore à Jacques Mortane. Savoir qu’un beau matin votre nom est révélé à l’univers entier, qu’il est inscrit dans tous les journaux du monde, est une de ces satisfactions qu’un homme n’oublie pas. Il en est qui jouent aux modestes et prétendent que cela leur est indifférent. N’en croyez rien. J’aime mieux celui qui avoue son bonheur. Je suis de ceux-ci. C’est vous dire avec quelle volupté je vis s’éparpiller les débris de ma cinquième victime. D’autant plus que cette victime je l’avais mise à mort avec mon glorieux maître et ami, Brindejonc des Moulinais, arrivé depuis peu à l’escadrille. »
« Ce jour-là, 30 juillet 1916, nous étions partis au crépuscule pour faire ce que nous appelons le balai. Cet ultime vol consistait à aller faire la police du ciel avec l’espoir d’y cueillir des retardataires. Nous nous entendions fort pour faire équipe, et soudain nous apercevions un LVG qui semblait se hâter vers sa volière. Nous nous précipitions vers lui et parvenions, après un engagement relativement rapide, à l’abattre dans les premières lignes boches. Les observatoires terrestres constataient la chute. C’était l’homologation. C’était mon cinquième. Je prenais rang sur la liste des as. »
Dans les semaines qui suivirent Maxime Lenoir ajouta la Légion d’honneur, des palmes à sa Croix de guerre et cinq nouvelles victoires à son palmarès. Quant à Marcel Brindejonc des Moulinais il trouva la mort le 18 août 1916.
“ Le sang des Allemands avait jailli sur mon appareil ”
Maxime Lenoir
La onzième victoire fut la plus difficile. Et pour cause. « Ce n’était pas à un adversaire ordinaire que je m’étais attaqué… » C’était un Gotha, « un triplace muni de deux mitrailleuses actionnées par deux passagers […] Comment mon petit Bébé Nieuport a-t-il eu raison de cette maison volante ? Comment la balle explosive qui me frôla l’œil ne m’éborgna-t-elle pas, malgré les traces qu’elle laissa ? Comment, avec toutes les blessures que reçut mon avion, je pus revenir ? Comment enfin moi, David, je parvins à voir s’éparpiller le Goliath dans l’espace ? Je l’ignore. Ce que je sais, par contre, c’est quelle joie intense, quelle volupté enivrante me remplirent quand j’aperçus le résultat final de la rencontre. C’est près de Fromezey que ma victime s’écroula, ensevelissant sous ses débris les corps mutilés de trois Boches qui avaient essayé de m’abattre… et qui avaient failli réussir.
« Ils avaient crevé deux des cylindres du moteur, traversé le réservoir dont l’essence, heureusement, n’avait pas pris feu, coupé un montant et deux câbles.
« Par contre – et ce détail vous prouvera que le combat s’était déroulé à courte distance – le sang des Allemands avait jailli sur mon appareil : les ailes et le capot du moteur en ruisselaient. » Ce fut sa dernière victoire.
Maxime Lenoir comptait sur son nouvel appareil, un Spad VII 140 chevaux pour obtenir son douzième succès. Après un séjour en Touraine – « pour montrer mes médailles à mes parents » – il retourna dans l’Est, avec son Spad, le 9 octobre. Le 25, il décolla seul et ne rentra pas.
Ma mère me disait : “On ne dit pas : Maxime est mort. On dit : il a disparu.”
Samuel Pierrot, neveu de Maxime Lenoir
Longtemps ses compagnons le crurent prisonnier. « Trompe-le-mort » ne pouvait pas mourir. Mais plusieurs mois après, raconta Jacques Mortane, « on trouvait un message aérien lancé par les Allemands qui annonçaient sa mort et indiquaient l’endroit où il avait été enterré. Enfin on apprenait de Nuremberg que le feldwebel Johann Schrott avait fait le récit du combat au cours duquel il avait réussi à abattre l’as Lenoir… »
D’autres sources indiquent que son vainqueur fut Arno Schramm de la Jasta 7, ce qui semble plus probable (8). Maxime Lenoir a été porté disparu. Arno Schramm sera abattu en avril 1917 par un observateur de l’escadrille 23, Jacques Goüin.
Il avait été proposé au grade de sous-lieutenant par le capitaine de Beauchamp. Au même moment, le 15 novembre 1916, Denis (9), qui sera le seul survivant des quatre frères Lenoir partis à la guerre, quittait les tranchées et prenait la place de Maxime dans l’aviation.
Didier Lecoq
Aéroplane de Touraine 2005
(article mis à jour en mai 2009 puis en décembre 2020)
La tombe de Maxime Lenoir
En novembre 2015, j’ai reçu cette photo de Michael Ritz, de Berlin. Reste à la situer. Sans doute a-t-elle disparu dans les bombardements après la reprise de Douaumont. Un grand merci à Michael Ritz.
Un grand merci à Samuel Pierrot qui nous a prêté les photos familiales.
Samuel Pierrot est le neveu de Maxime Lenoir. Sa mère, Marguerite, a donné à ses trois premiers enfants, les prénoms de ses trois frères morts à la guerre : Samuel, Max et Danièle.
Notes
(1) Chasseurs de Boches, L’Edition Française Illustrée, 1917.
(2) Soldat Samuel Lenoir, 113e RI (le régiment de Blois), décédé le 3 octobre 1915 ; soldat Daniel Lenoir, 19e RI, décédé le 6 mai 1917.
(3) Les Pionniers de l’aviation dans le Loiret, par Alain Kurc et le Cercle des cartophiles du Loiret, 2004
(4) Il avait effectué son service militaire au 8e chasseurs d’Orléans, comme un autre as de l’escadrille N 23, Jean Casale.
(5) Document qui se trouve au SHD-Air, château de Vincennes. Maxime Lenoir n’a pas été le seul Tourangeau dans ce cas. Jacques Quillery, également breveté avant-guerre, cavalier au 7e hussards, a été dirigé vers l’aviation le 3 décembre.
(6) Icare n°85, automne 1978, 1914-1918, l’Aéronautique militaire française, tome I.
(7) Tous victimes de l’air :
– Louis de Beauchamp, le 17 décembre 1916 à Vaux ;
– Jean Baumont, le 8 juillet 1918 ;
– Edward Pulpe (breveté en France quatre jours avant Maxime Lenoir), le 2 août 1916 sur le front russe ;
– Théophile Ingold, le 19 juillet 1916 à l’hôpital de Vadelaincourt ;
– Jean Casale, le 23 juin 1923 dans un meeting aérien ;
– Marcel Garet, le 2 juillet 1916 à Vadelaincourt ;
– Marcel Brindejonc des Moulinais, le 18 août 1916, à Vadelaincourt.
(8) Arno Schramm sera abattu le 23 avril 1917 par un avion de l’escadrille de Maxime Lenoir, la Spa 23, ayant à bord Parizot et Jacques Goüin.
(9) Il est passé par Étampes et Châteauroux. Breveté pilote le 10 mai 1917. Denis Lenoir a été affecté à l’escadrille 441, escadrille de défense du Creusot. Il est décédé en juin 1960 à Saint-Symphorien (devenu quartier de Tours), commune dont il avait été conseiller municipal. Denis Lenoir était resté dans l’aviation, sur le terrain de Tours. Il a terminé sa carrière comme adjudant-chef mécanicien, après avoir quitté, assez tôt, le personnel navigant. Sa maison, mitoyenne de celle de l’adjudant-chef Baron, du 31e RAO, existe toujours, cernée par les enseignes commerciales, à deux pas de la base aérienne 705.
Les onze victoires de Maxime Lenoir
Avec la C 18
5 juin 1915 : près de Sivry-la-Perche, un Aviatik-C, en collaboration avec le capitaine Quillien. Mitrailleur : le lieutenant Rivier.
15 juin 1915 : un ballon captif.
Avec la N 23
17 mars 1916 : un Fokker E près de Dun-sur-Meuse.
17 juin 1916 : un LVG-C près de Septsarges.
22 juin 1916 : il abat un un premier avion près d’Etain puis un second, qui ne sera pas confirmé, vers Douaumont. Ces avions rentraient d’un bombardement de Bar-le-Duc.
30 juillet 1916 : un Fokker-E, entre Etain et Souilly, en collaboration avec Brindejonc des Moulinais.
4 août 1916 : il abat son sixième avion près de Morainville.
12 août 1916 : en collaboration avec le lieutenant Lachmann.
14 septembre 1916 : au nord de Douaumont.
22 septembre 1916 : au même endroit, au nord de Douaumont. En collaboration avec Jean Casale.
25 septembre 1916 : sa dernière victoire, un triplace Gotha, près de Fromezey.
Les avions de Maxime Lenoir
Blériot XI “Back Jumper”
Ponnier D-III. C’est avec ce monoplan à moteur Gnôme 80 HP que Maxime Lenoir devait participer à la course Londres-Paris-Londres en juillet 1914. Mais il devait détruire l’avion lors d’une panne, à Courtenay (Loiret). Chez Ponnier, Maxime Lenoir avait volé également sur le Ponnier M-1, son premier biplan. Cet avion fait l’objet d’une présentation dans L’Aérophile du 15 juillet 1914. Lire sur Gallica
Caudron G 3. C’est avec cet avion que Maxime Lenoir commence sa série d’avions baptisés “Trompe-la-Mort” (sur le capot du moteur pour ce G3).
Nieuport 10. Sans doute le Trompe-la-Mort II.
Nieuport 16 numéro N965, “L’Alfred” avec une tête de mort dans un rond blanc. Il avait été utilisé par le capitaine Louis Robert de Beauchamp, commandant de la N23, et le sera par Marcel Garet après Maxime Lenoir.
Nieuport 16 numéro N977. Ce Nieuport était camouflé. En grandes lettres bleu-blanc-rouge sur les flancs : MAX.
Nieuport 17. Ce Nieuport était entièrement de couleur gris métallique. Comme les autres Nieuport de la N 23, une grande bande rouge courait de l’appui-tête à la dérive. Cette bande était répétée sur les flancs avec la marque personnelle de chaque pilote dans un ovale rouge. Il avait tout simplement choisi d’écrire “Ajt LeNoir”. Il a également piloté le Nieuport 17 de Marcel Garet surnommé “l’Alfred” (dans l’ovale rouge).
Spad VII numéro S116. Un chevron bleu-blanc-rouge sur le dos de l’appareil qui est de couleur tabac. Sur les flancs, au niveau du pilote, un rebus “LE” et une “tête de nègre” pour Lenoir. L’avion est baptisé “Trompe la mort III”.
L’Ecole de l’aviation de chasse a décoré un Alpha-Jet destiné aux présentations aériennes en solo (Alpha solo display) en 2017.
Albin Denis a consacré un site à l’aviation française de la Grande Guerre. Et notamment des pages aux escadrilles C 18 et N 23 auxquelles Maxime Lenoir a appartenu. Vous y trouverez de nombreuses photos, notamment de l’aviateur tourangeau.
Sur l’escadrille C 18
Sur l’escadrille N 23
Maxime Lenoir sur Aéroplane de Touraine
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Les escadrilles de Maxime Lenoir
Sur le site d’Albin Denis :
Au service historique de la Défense (ex-SHAA)
Dans les cahiers de comptabilité en campagne des escadrilles C 18 (1er trimestre 1915) et N 23 (2e trimestre 1915 et suivants)
A lire
Le site de Lela Presse, revue Avions
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