Le “Spit de Tours”

Après dix années à l’entrée de la base de Tours, le Spitfire GW°B est allé rejoindre le musée de l’Air du Bourget en 1978. Pierre Fitou, reporter photographe à La Nouvelle République nous a fait partager sa restauration.

De gauche à droite, au premier rang : l’Air Commodore Alan C. Deere, le général Yves Ezanno, l’Air vice-Marshal William V. Crawford-Compton, Pierre Laureys, le général de Bordas, M. Boisat et Jean Reveilhac, Mme Lepage et l’Air Commodore Archibald Winskill.

Mai 1967 – Octobre 1978. Entre ces deux dates, une parenthèse dans la vie du Spitfire Supermarine Mk XVI TB 597 codé GW°B qui se trouve actuellement au musée de l’Air au Bourget. Dix années pour ce Spit sorti en 1944 des usines de Castle Bromwich de Birmingham, en Angleterre, qui lui valent le surnom de « Spit de Tours ».

Pendant dix années, c’est lui – mais il n’était pas tout seul – qui était exposé près de l’entrée de la base de Tours, sous les couleurs du Squadron 340 « Ile-de-France ». Délicate attention de la Grande-Bretagne en souvenir des pilotes français qui avaient combattu à ses côtés lors de la Seconde Guerre mondiale.

Le « Spit de Tours » est un authentique vétéran. Sous les couleurs du Squadron 66 (2nd Tactical Air Force) il a effectué quatre-vingt-dix sorties opérationnelles comme chasseur-bombardier au-dessus de la France et de la Belgique.

La remise officielle du Spitfire a eu lieu le 17 mai 1967 par l’Air Commodore Sir Archibald Winskill au général (CR) Yves Ezanno, ancien inspecteur général de la chasse, ancien Squadron Leader du Sqn 198, compagnon de la Libération. Ancien pilote de chasse lors de la bataille d’Angleterre « Archie » Winskill était attaché militaire à l’ambassade de Grande-Bretagne.

“Ce Spitfire LF MxXVI, avion du type de ceux que pilotaient les aviateurs français pendant la Deuxième Guerre mondiale est offert à l’Armée française par la Royal Air Force britannique en hommage à ces pilotes qui ont montré tant de vaillance et en reconnaissance des relations historiques et cordiales qui existent entre l’Armée de l’Air et la Royal Air Force.

(Sur la plaque devant le Spitfire)

La restauration du Spitfire vue par Pierre Fitou

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Mais si le Spitfire a résisté aux derniers combats de la Second Guerre mondiale, le « Spit de Tours » a beaucoup moins apprécié le climat de la Touraine. Ni les marques d’affection trop fréquentes. D’où un premier lifting pour qu’il reste présentable.

Le Merlin tourne le vendredi 20 mai 1977

Une restauration plus complète a été confiée à une équipe du Germas de Tours (lieutenant-colonel Sider qui dirigeait de Germas, capitaine Desaguillier, major Jacques Gibierge, adjudant-chef Michel Dalloux, adjudant Bernard, capitaine Gourlet, 1re classe Osché, caporal Pélissier). On imagine bien l’idée qui a dû trotter dans la tête de ces mécaniciens, amoureux de leur métier. Le gage de réussite était d’entendre le moteur tourner (un Merlin Mark 266 Packard Rolls-Royce de fabrication américaine). Voire mieux.

L’équipe du « Spit de Tours » a donc passé de longs mois pour restaurer et remettre en état tout ce que la RAF avait modifié pour interdire au Spitfire de voler. De nombreuses pièces avaient été supprimées ou abîmées : pas de démarreur, pas de génératrice, membrane du carburateur cisaillée, train d’atterrissage bloqué, comme l’explique le général Lissarague, dans Pégase de mai 1979, dans l’article qu’il lui consacre : « Un beau Spitfire entre au Musée de l’air : le Spit de Tours ».

La revue Pégase de mars 1979.

L’équipe de Tours avait si bien travaillé que le Merlin était de nouveau prêt à chanter. Mais il n’était pas question de le faire en catimini. Et le vendredi 20 mai 1977, après midi, c’est en grande pompe, sous l’œil de la caméra de Jean Darchy et de nombreux appareils photos dont celui de Pierre Fitou, reporter photographe à La Nouvelle République, que le moteur démarrait après plusieurs tentatives infructueuses le matin. Mieux, le 25 mai, le colonel Malaganne, qui commandait la base de Tours, lui faisait quitter le sol lors d’un essai de roulage.

Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin. Un seconde restauration débutait en septembre 1977. Cette fois, il ne s’agissait plus de faire tourner le moteur. Il s’agissait de mettre le Spitfire en état de voler. Vaste entreprise. « Il s’agit de tout démonter, tout décaper à fond jusqu’au métal, tout vérifier avec des moyens non destructifs (magnaflux, ressuage, rayons X) pour s’assurer de la qualité de la structure; il faut changer tous les éléments douteux, et cela peut aller loin », explique le général Lissarague dans son article. Cela va durer jusqu’au 22 juin 1978. La dernière étape, celle qui aurait permis au Spitfire de voler, n’a jamais été franchie, faute d’autorisation. Tous en rêvaient. Et en octobre 1978, son départ au Bourget scellait définitivement son sort d’avion d’exposition. Conformément au vœu des Britanniques.

Didier Lecoq

Un visiteur de marque : Maurice Bellonte. (© Ossant)

En savoir plus

Pyperpote consacre une page à celui qui est devenu le Spit du Bourget. Il y a même une vidéo. Lire sur List’in MAE

La bio de l’Air Commodore Alan C. Deere (22 victoires homologuées) sur Ciel de Gloire Lire

La bio (en anglais) de l’Air vice Marshall William V. Crawford-Compton Lire

La bio de Pierre Laureys sur le site des Compagnons de la Libération. Lire

La bio de l’µAir Commodore Archibald Winskill sur Wikipedia. Lire

Comme pendant la guerre.
Le Spit de Tours, photographié le 14 juillet 2017 au Bourget. (Didier Lecoq)
A propos Didier Lecoq 89 Articles
Journaliste honoraire. Secrétaire général de la rédaction à la Nouvelle République, à Tours, jusqu'en 2020.

2 Commentaires

  1. Dans votre article concernant la restauration du spitfire, vous parlez de l’adjudant Dallaux. Erreur de votre part, il ne s’appelait Dallaux mais DALLOUX MICHEL. C’était mon papa.

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