25 février 1938. Adossé à un mur de la ferme du Petit-Bois, à Saint-Laurent-en-Gâtines, au nord de Tours, un petit monument rappelle le souvenir de cinq aviateurs de Châteauroux.
Contre le mur de cette ferme existe encore un petit mémorial qui, depuis bien longtemps, ne reçoit plus les honneurs de ceux qui l’ont érigé. Ce monument a été inauguré en février 1939, en mémoire des cinq aviateurs de Châteauroux dont l’avion, le Bloch 200 n° 62, vint percuter la ferme un an plus tôt.
C’était dans la nuit du 25 au 26 février 1938. Le bombardier de la 32e escadre de Châteauroux (3e escadrille, Br 201) regagnait sa base. Le sous-lieutenant Vieux était accompagné du lieutenant Bédat, de l’adjudant Perrin, du sergent-chef Giclon et du sergent Aubry.
Ce soir-là, dans cette plaine, le Bloch 200 cherchait un endroit où se poser. Sans doute à la suite d’une panne d’un des deux moteurs. Il perdait de l’altitude et ne pouvait atteindre la base de Tours. Restait à trouver un champ. Dans ce coin de Touraine, ils ne manquent pas. Et pourtant… Selon les habitants des environs alertés par le bruit, l’avion utilisa ses fusées éclairantes pour choisir le meilleur endroit. Ce fut le plus mauvais. Le Bloch 200 fila tout droit dans la ferme des époux Roger qu’il percuta violemment. Plus précisément dans la partie qui constituait la grange et dans laquelle se trouvait la réserve de paille. « Nous étions couchés depuis une heure, raconta le fermier. Nous fûmes réveillés par un fracas épouvantable ». Le toit central de la ferme s’était écroulé. Tout s’était embrasé. Selon son témoignage, un moteur de l’avion termina sa course à quarante centimètres à peine du lit de son fils. « Il était indemne mais incapable de dire une parole. »
Électricien d’aviation
« Par quel miracle les trois habitants de la ferme, M. Roger, sa femme et son jeune fils, Martial, purent-ils se sauver, se demanda le journal La Touraine Républicaine. Les témoins de l’accident, qui furent bientôt sur les lieux, les virent tous trois se sauver en courant de leur demeure, échappant de peu aux flammes environnantes ». Il n’y eut pas de miracle pour les membres de l’équipage qui périrent dans le Bloch 200. Ce ne furent pas les premiers. Ni les derniers.
D’autres accidents touchèrent les Bloch 200 au point d’être surnommé « Cercueil volant ». Les moteurs furent mis en cause. En juillet 1938, sous le titre « Les Bloch vont-ils être supprimés ? », les journaux publièrent un communiqué du ministère de l’Air : « De nombreux accidents viennent de se produire sur des avions Bloch 200 et 210, équipés de moteurs Gnome-et-Rhône. Bien que ce matériel soit parfaitement connu puisqu’il est en service respectivement depuis 1934 et 1936, le ministère de l’Air a décidé, d’une part, de prendre un certain nombre de mesures restrictives d’emploi ; d’autre part, d’adopter des dispositions techniques de sécurité. De plus, il a chargé le général Vuillemin, chef d’état-major général, de procéder immédiatement à une enquête, en liaison avec les utilisateurs, afin de déterminer les éléments de la décision définitive qu’il sera appelé à prendre ».
Un an après l’accident, « par une température froide et sous une pluie battante – cette “crasse” si souvent fatale aux aviateurs – a été inauguré, le monument élevé à la mémoire de l’équipage. » Y assistaient notamment le lieutenant-colonel de Busnel, ancien commandant de la 32e escadre de Châteauroux, le commandant Châtelain, chef du groupe auquel appartenait l’avion. La partie endommagée de la ferme avait été reconstruite. Ne restait pour toute trace de cet accident que le petit monument aux morts. Contre le mur de cette fermette. Pas très loin de la route. Loin du souvenir.
Didier Lecoq
Merci à Jean Arnouilh dont le père, André, était alors mitrailleur à la 32e escadre.
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