Rendons au Potez 25 la place qui fut la sienne. C’était le Potez 25, l’avion des Lasalle, Duroyon, Morisseau, Hostein, Tulasne, et bien d’autres… Dès les premiers jours de 1927, il survolait la Touraine.
« Mon Général
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que j’ai terminé les essais officiels, devant le Service technique de l’Aéronautique, de mon appareil TYPE 25-A2 équipé avec le moteur LORRAINE 450 CV. » Ainsi commence un courrier d’Henry Potez, adressé le 26 mai 1925, depuis son usine de Levallois, au général Dumesnil, responsable de l’Aéronautique au ministère de la Guerre. Une copie se trouve au Service historique de la Défense, au château de Vincennes.
On imagine Henry Potez, bouillant d’impatience, au point d’annoncer lui-même les résultats de ces essais. « Le Service Technique ne manquera pas de vous adresser un rapport sur les résultats de ces essais. Mais, je crois utile de vous rendre compte, personnellement, de la valeur de mon matériel, basée sur des chiffres strictement officiels et qui vous seront confirmés incessamment. »
Le coup de poker de Potez
L’impatience d’ Henry Potez se comprend. Dans une lettre adressée au général Dumesnil le 23 mars, qui se trouve au SHD à Vincennes, il explique les enjeux de ce nouvel avion : « Je tiens à vous faire connaître – surtout à titre d’information – que l’ensemble des commandes, que j’avais en cours, seront entièrement terminées dans un délai de deux mois. Je serais donc contraint de fermer la majeure partie de mes usines si d’ici cette date, je n’avais obtenu le travail nécessaire pour maintenir leur activité. »
Mais le 26 mai, après les tests destinés à l’évaluer, semble-t-il le 30 avril et le 18 mai, Henry Potez ne peut se retenir : « Le moins qu’on puisse dire est que le Potez 25 possède des aménagements au moins équivalents à l’appareil Breguet XIX », écrit-il à Dumesnil, insistant au passage sur « les qualités de vol remarquables », le bâti-moteur interchangeable, la facilité d’entretien et une conception bien étudiée pour qu’il coûte moins cher.
Faire mieux et moins cher, c’était justement la condition imposée pour que l’armée achète ce nouvel avion hors programme.
Techniquement, du mieux
Le rapport du STAé est plutôt élogieux. Aperçu :
« Très bonne visibilité.
« L’appareil est très facile à piloter et très agréable. Comparable comme maniabilité au Salmson de la guerre.
« En particulier, les ailerons, inopérants sur Breguet 19 ont ici une grosse efficacité. (Il y aura lieu de doubler les guignols de commande d’ailerons). L’appareil est très stable dans les trois dimensions et beaucoup plus maniable que le Breguet 19, quelle que soit l’altitude.
Côté vitesse, l’appareil a été comparé, à trois altitudes différentes, au Breguet 19 B2 et au Breguet 19 A2. Le Potez 25 a toujours l’avantage.
Conclusion : l’avion Potez 25 apparaît comme un excellent appareil supérieur à tout ce qui a été réalisé jusqu’ici comme avion d’observation, même au Breguet 19 (A 2 ou B 2)
« Ses qualités de maniabilité, de vitesse, son entretien facile, sa robustesse, son berceau moteur amovible, en font un très bon appareil de guerre. » Le courrier est signé, pour le général Saconney inspecteur des essais pratiques et techniques de l’Aéronautique militaire, par le chef de bataillon Thézy (25 août 1925).
Cinquante Potez 25 A2 sont ainsi commandés le 3 octobre. Puis cinquante autres à la fin du même mois : 40 à moteur Lorraine, 40 à moteur Gnome et Rhône Jupiter, 20 à moteur Salmson (marché 1022). Un avenant précise que les versions avec Jupiter et Salmson n’ayant pas été évaluées, des Lorraine pourraient être installés si les performances avec les deux autres moteurs n’étaient pas celles attendues. Parmi ces premiers Potez 25, plusieurs ont été affectés à Tours.
Tours : des Potez 25, (presque) pas de Breguet 19
A cet instant, il est temps de tordre le cou à une idée fausse qui circule sur le 31e : le Breguet 19 n’a pas été préféré au Potez 25 pour certaines escadrilles de Tours. Il n’y a pas eu de Breguet 19 en Touraine avant 1930. Ou alors ils étaient invisibles. Les seuls Breguet 19 que Tours a connus sont arrivés avec le groupe d’observation de Mayence, hébergé par le 31e RAO après l’évacuation de la Sarre par l’armée française. En 1933, le 2e régiment de chasse arrivant à Tours, l’ex-groupe de Mayence est parti pour Nancy. Avec ses Breguet 19 qu’il échangera d’ailleurs contre des Potez 25 TOE. Pour son avion d’armes, le 31e régiment est resté fidèle à Potez : après 15, ce sera le 25.
En 1928, le 31e possédait cinq escadrilles de Potez 25 . La sixième clôturait la carrière du Potez 15.
Premiers vols en janvier 1927
Pour s’en convaincre, voici quelques exemples de la montée en puissance du Potez 25 à Tours, publiés dans les journaux :
– Les 10 et 11 janvier 1927, le général Barès, commandant de la 2e division aéronautique, reste deux jours à Tours. « Il a passé l’inspection du 31e d’aviation, expliquent les journaux, et assisté aux essais du nouvel avion dont va être doté le régiment, avion moderne qui permettra de toucher n’importe quelle frontière sans escale. » Les journaux ne disent pas son nom. Mais c’est le Potez 25. Le 10 janvier, le lieutenant William Hostein, de la Section d’entraînement (SE), pilotait pour la seconde fois le n°3 . Victor Lasalle, adjoint au Parc 31, a également volé sur le n°3 : le 11 janvier, piloté par le capitaine Hervieux mais aussi le 17 février, le 31 mai et le 9 juin. Il vole également, avant l’été, sur le n°5 (20 mai) et le n°13 (21 mai). C’est sur ce Potez 25 qu’il entreprend, en juillet 1927, un long périple qui l’emmène au Bourget, à Méaulte, Metz, Dijon, le Bourget puis Tours.
– Fin juin 1927, seize avions du 31e régiment partent à Cazaux pour une campagne de tir. Deux Potez 25 sont du voyage, pilotés par le commandant Canonne et par le capitaine Lanson. Canonne pilote le n°16. Le même mois, c’est au tour du général Niessel, membre du Conseil supérieur de la guerre, de venir assister « à un vol de groupe composé des nouveaux avions dont le 31e va être doté ».
– Le 8 juillet 1927, René Labouchère et Henry Potez font le voyage à Tours, sur un Potez 25 . Une rigole a raison de la dextérité de Labouchère : un train d’atterrissage brisé, une dent cassée.
– Du 17 au 22 août 1927, l’escadrille du capitaine Morisseau (la 11e), appartenant au GO 3 (groupe Blaizot) effectue un tour de France, sur Potez 25 A2 (3.200 km en 20 heures de vol). Les équipages : capitaine Morisseau – lieutenant Soviche, chef navigateur ; sous-lieutenant de Veyrinas avec le sergent-major Danglade, observateur ; sous-lieutenant Chabert avec le sergent Lançon, mécanicien ; sergent-major Baudry avec le sergent Héraud, observateur ; sergent Argentin et sergent-major Dury, mécanicien ; sergent Guillet et sergent Leroux, mitrailleur-mécanicien. Le 3 août, le capitaine Morisseau avait dirigé une reconnaissance : 1.300 km en 8 h05. Fin juillet, le capitaine Morisseau et le sergent Lançon, seuls, avaient effectué le même parcours en 8 h 40.
– Le 30 octobre 1927, le capitaine Victor Lasalle et l’adjudant Gustave Duroyon partent pour un raid Tours – Vienne –Prague – Cracovie – Varsovie et retour, sur un Potez 25 à moteur Lorraine 450 ch, le n°38 (logiquement immatriculé K327). Gênés par le mauvais temps, ils arrivent le 4 novembre à Varsovie. Ils en repartent le 6 et rentrent à Tours le 8, à 16 heures. « L’appareil Potez 25 revient au camp de Parçay aussi neuf qu’au départ ; quant au moteur Lorraine, le capot n’a pas été enlevé depuis le départ de Tours. »
– En 1928, les équipes du 31e RAO continuent de promener leurs Potez 25. Notamment Lasalle et Duroyon mais aussi Argentin, Guillet… Cette année-là, en juin, c’est encore avec des Potez 25 qu’une escadrille se rend en Tchécoslovaquie où elle accompagne le général Pujo.
– N’oublions pas le rallye de Vincennes remporté par Lasalle et Duroyon (Agadir – Vincennes sans escale à près de 200 km/h de moyenne), ainsi que le raid en étoile du même duo sur un Potez 25 Grand Raid du 7 au 12 juillet 1928 (Paris – Oslo – Paris puis Paris – Madrid – Paris puis Paris – Varsovie – Paris puis Paris – Rome – Paris et enfin Paris – Lisbonne – Paris) soit 13.000 km en six jours ! C’était avec le n°70, prêté par la firme Potez.
– Le 10 août, le 31e régiment participe à la Coupe Military Breguet avec une escadrille de Potez 25 (la 11e, Sal 277).
Fin novembre 1928, le 31e RAO a pratiquement fini sa mue. « Nous avons remarqué les nouvelles hélices métalliques dont sont dotés les avions de l’escadrille 13, et, dans l’ensemble, la tenue merveilleuse des avions Potez 25 », écrit NOAN (Noël Anquier, pilote de la Grande Guerre) dans La Touraine Républicaine, à l’occasion de la compétition organisée chaque fin d’année entre les escadrilles du 31e. Puis le lendemain : « Une prime d’encouragement est affectée à l’escadrille 15, la seule escadrille qui reste encore munie des anciens avions Potez XV. » Elle ne va pas les conserver longtemps. En juin 1929, quatre équipages de cette escadrille appartenant au groupe du commandant François Tulasne (le GR 5), accomplissent le Circuit des frontières.
Au final, en parcourant de nombreux carnets de vols, ce sont pas moins de 167 Potez 25 A2 qui ont été recensés au 31e RAO puis à la 31e escadre. Il en manque, sans aucun doute.
Un changement d’avion d’armes ne s’est pas décidé en quelques minutes. Il devait être préparé depuis plusieurs mois. C’est peut-être pour cela que deux commandants de Tours ont été envoyés en stage dans les usines Potez et Lorraine du 26 avril au 11 mai 1926. Le commandant Moutte était adjoint technique du régiment et le commandant Maréchal était à la tête du 3e groupe. Cela figure dans un courrier du lieutenant-colonel Joseph Tulasne au colonel Bordes, pour se plaindre du manque de cadres de son régiment. A cette date, pourquoi envoyer ces officiers supérieurs en stage ? Pas pour en terminer avec le Potez 15. Ces stages annonçaient le Potez 25 à Tours.
Didier Lecoq
Les 107 Potez 25 de William Hostein
William Hostein est un pilote d’avant-guerre, breveté civil avec le numéro 1.256 (à Reims, sur Deperdussin), et militaire avec le n°285. 107. Il a fait partie du 31e régiment de 1923 à 1932 (il est revenu à Tours en 1938). William Hostein a notamment dirigé le Section d’entraînement avant d’appartenir au Parc 31.
Ses carnets (Emploi du temps pour pilote), relevés par François Tulasne dont le grand-père – François – et le grand-oncle – Joseph – volèrent avec William Hostein, sont d’une grande richesse. En tout, sont mentionnés 107 Potez 25 du 31e RAO que William Hostein a essayés.
William Hostein a débuté sur le Potez 25 A2 n°3 le 5 janvier 1927. Il est alors à la section d’entraînement. Il fait le tour du propriétaire à plusieurs officiers. Jusqu’en avril 1928, le 3 est le seul Potez 25 qu’il pilote. Au tout début, le 18 mai, Hostein emmène Canonne pour, est-il noté sur le carnet de vol, un « arbitrage de mano ». William Hostein effectue le plus souvent de petits vols. Il va le piloter une centaine de fois avant qu’un second Potez 25 ne passe entre ses mains : le n°11, le 10 avril 1928. Vont suivre :
– le 186. C’est l’avion qu’il a pour accompagner le général Pujo à Prague ;
– le 160
– le 190, qu’il utilise le plus assidûment (il porte l’insigne de l’état-major).
Près d’une centaine d’autres Potez 25 dont le 441 vont suivre. Avec cet avion, il a emmené le commandant Babinet puis, à trois reprises, le lieutenant-colonel Jauneaud (commandant le 31e par intérim) dans les répétitions du vol de groupe pour la Fête du 31e, en mai 1930. Le 8 juin 1932 où il boucle la liste en volant pour la première fois sur les 367 et 1333.
Auparavant, William Hostein avait piloté vingt-trois Potez 15 A2. Sans oublier Hanriot, Caudron, etc.
Et les fameux Breguet du 31e ? Avant son départ de Tours, William Hostein en a piloté… trois. C’était en 1931 et c’était sans doute des Breguet 19 A2 du groupe venu de Mayence en juin 1930 et parti à Nancy pour laisser la place aux Nieuport 62 du 2e régiment de chasse en 1933.
Le changement de numérotation des escadrilles a lieu le 1er janvier 1934, lors de la création – sous ce nom – de la base aérienne 131 de Tours et la transformation des régiments d’aviation en escadres. Avant 1924, les escadrilles présentes avaient d’ailleurs un autre numéro : 1re pour la Sal 277, 3e pour la Sal 10, 5e pour la Br 226, 7e pour la Sal 56, 8e pour la Spa-Bi 42 et, a priori, 9e pour la Sal 39.
Sal 277 (11e puis 1re escadrille)
Sal 10 (12e puis 2e escadrille)
Br 226 (13e puis 3e escadrille)
Sal 56 (14e puis 4e escadrille)
Je n’ai pas trouvé de Potez 25 aux couleurs de la Sal 56. Si vous en possédez…
Spa-bi 42 (15e puis 5e escadrille)
Sal 39 (16e puis 6e escadrille)
État-major
Le Parc 31
La liste (non exhaustive) des Potez 25 à Tours
3, 5, 10, 11, 12, 16, 19, 20, 25, 37, 38, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48
50, 52, 55, 57, 58
116, 140, 149, 151, 153, 154, 160, 162, 167, 171, 172, 174, 175, 177, 178, 183, 186, 187, 190, 191, 192, 193, 195, 196
205, 251, 253, 255, 256, 258, 262, 263, 264, 275, 277, 278, 285, 287, 288, 289, 291, 292, 294, 295, 296
305, 307, 308, 309, 312, 314, 315, 317, 318, 320, 321, 322, 323, 325, 327, 329, 342, 367, 368, 372, 381, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 391, 394, 396, 397, 399
400, 420, 425, 426, 427, 429, 430, 441, 449, 451, 452, 455, 472, 475, 477, 478, 479, 481, 482, 484, 488, 489, 491, 494, 496, 497
503, 505, 507, 508, 510, 511
723
1319, 1320, 1321, 1322, 1331, 1332, 1333, 1335, 1336, 1337, 1338, 1339
1730
1815, 1816, 1817, 1818, 1819, 1822, 1863
1917, 1974
2057, 2060, 2079, 2080, 2081, 2082, 2084, 2085, 2086; 2090, 2091
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