En 1928, l’aviation tchèque invite le général Pujo à Prague. Celui-ci désigne le 31e régiment de Tours pour l’accompagner. C’est la 14e escadrille (C 56) qui est retenue.
Le 18 juin 1928, six Potez 25 quittent Tours, sous les ordres de Paul Canonne, commandant le groupe d’observation n°4 auquel la 14e escadrille appartient. Ce voyage n’a rien d’un exploit sportif. Il s’agit de répondre à l’invitation amicale adressée par les aviateurs tchèques au général Pujo, directeur de l’aéronautique militaire et ancien commandant de la 9e brigade de Tours.
Un voyage sans histoires si ce n’est quelques bourrasques de pluie qui contraignent les Potez 25 à une escale non prévue, à Nuremberg (Allemagne), où les aviateurs français ont pu remarquer « la belle ordonnance des hangars, l’autorité du starter, l’uniforme brillant des policiers et même… la propreté des mécaniciens » !
Le Potez 25 n°42
Les capitaines Auguste Lanson (commandant la 14e escadrille), William Hostein (spécialiste des missions spéciales en 1915, commandant la section d’entraînement) et le lieutenant Pierre Soviche, navigateur de la mission, sont également du déplacement.
Ce voyage à Prague réunit deux pilotes, au début d’une carrière brillante, qui n’avaient pourtant rien pour se rencontrer. Michel Bouvard et Louis Noilou composent l’équipage du Potez 25 n°42. Le premier est lieutenant ; le second, sergent, après s’être engagé comme mitrailleur et simple soldat en 1923, dans cette même escadrille. Michel Bouvard a fait l’École spéciale militaire de Saint-Cyr ; Louis Noilou a commencé comme ajusteur au P.O. (Paris-Orléans), la grande compagnie de chemins de fer. Il est né à deux pas du terrain d’aviation, à Saint-Symphorien où son père était employé communal.
Michel Bouvard est breveté pilote depuis peu (17 janvier 1927) alors que Louis Noilou est breveté depuis 1925. Il a déjà été blessé en Syrie lors de combats dans le Djebel druze.
Retour à Tours en 1938
Leurs carrières vont prendre des directions très différentes. En 1932, le premier quitte Tours pour l’École de guerre puis le cabinet du ministre de l’Air avant de partir trois ans à la mission militaire au Brésil. Quand Michel Bouvard revient en 1938 pour commander l’ex-13e escadrille puis le groupe devenu 2e groupe de bombardement, Louis Noilou est en escadrille en Indochine, depuis deux ans.
Pendant la guerre, tous les deux travaillent pour les services de renseignements : au SR Air, à Limoges, en zone libre, pour Bouvard ; en Indochine pour Noilou qui, recherché par la Kempetai – la gendarmerie japonaise –, doit entrer dans la clandestinité. Il n’en ressort qu’après la reddition des forces japonaises.
Michel Bouvard a vécu une aventure unique. Après avoir rejoint l’Afrique du Nord, juste avant l’invasion de la zone Sud par les forces allemandes, il retrouve une place en unité. Lui qui a commandé un groupe de bombardement à Tours, dirige le 1/63 puis le 2/63 de mars 43 à mars 44. Commandant de la 31e escadre de bombardement sur B-26 Marauder, dont dépend le GB 2/52 Franche-Comté, il participe – hors équipage – à une mission visant à détruire un poste de Flak allemande qui protège Toulon. Mais le B-26 à bord duquel il a pris place, est abattu.
“ Rentons avec l’objectif ”
Le lieutenant-colonel Bouvard finit par se retrouver prisonnier dans la caserne Gardanne, un ensemble fortifié qu’il devait détruire. Encerclés, les militaires allemands redoutaient de tomber entre les mains des FFI. A force de persuasion, il parvient à les convaincre que leur situation est intenable et qu’ils ont tout intérêt à se rendre à un militaire… comme lui. Et c’est ainsi qu’il est sorti, le drapeau allemand sous le bras, à la tête de 400 Allemands surveillés par les anciens prisonniers. Il a envoyé, au général américain commandant le 42e Wing, un message resté célèbre : « Mission OK, rentrons avec l’objectif. » Général de corps d’armée, il a terminé sa carrière comme directeur du Centre des hautes études militaires, en 1960.
Louis Noilou, après avoir quitté l’armée, est resté en Indochine où il a créé une entreprise d’outils, à Haiphong, entreprise qu’il a dû abandonner après la chute de Diên Biên Phu. Installé dans le sud de la France, il s’est lancé en politique, devenant, en 1971, député des Alpes-Maritimes.
Sur le chemin de Prague, en juin 1928, le Potez 25 n° 42 emmenait un futur général et un futur député.
Didier Lecoq
Les équipages pour Prague
— 1er équipage (Potez 25 n°16) : commandant Paul Canonne et sergent Robert Debrand (méc.).
— 2e équipage : capitaine Auguste Lanson et sergent Landeau.
— 3e équipage : sergent Louis Boulay et lieutenant Pierre Soviche , chef navigateur.
— 4e équipage (n°42) : sergent Noilou et lieutenant Bouvard.
— 5e équipage (n°186) : lieutenant William Hostein et sergent Maurice Avesque .
— 6e équipage : adjudant-chef Félix Rouillac qui prend le général Pujo à
Strasbourg.
Le déplacement a viré au drame pour Félix Rouillac. Lorsqu’il est parti de Tours, sa fille, âgé de 9 mois, était malade. Elle est décédée lorsqu’il était à Prague. A son retour, son fils, âgé de 6 ans, est décédé à son tour.
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