La famille se déchire pour la sépulture d’André Boillot

Pilote de chasse et pilote de course comme son frère Georges, André Boillot est décédé en 1932 à la suite d’un accident avant une course de côte, dans l’Indre. C’est au cimetière de Tours qu’il repose. Après un dernier combat.

André Boillot, Eugène et Alfred Morillon, lors du Circuit de Touraine en 1923.
(@ Agence Rol/BNF Gallica)

Pour André Boillot, l’aviation est une affaire de famille. Ce n’est pas la seule d’ailleurs. Avant l’aviation, il y a eu l’automobile.

Difficile d’y échapper quand on est originaire de Valentigney, dans le Doubs. Valentigney, c’est le berceau de la famille Peugeot. Le père des deux pilotes, Georges et André, y était directeur d’usine. Et c’est donc tout naturellement que les deux frères sont venus à l’auto, ou plutôt à Peugeot, un diplôme d’ingénieur en poche.
Georges, né en 1884, a été un des sportifs les plus connus de la France d’avant-guerre, sur deux puis quatre roues. Il a participé, pour Peugeot bien sûr, aux 500 Miles d’Indianapolis et a remporté, plus près de chez nous, la course de côte de Saint-Symphorien (dans la Tranchée) en 1913.

Lorsque la guerre a éclaté, il est devenu chauffeur, notamment du général Joffre, puis pilote de chasse. Titulaire de deux victoires homologuées et quatre probables, il est mort en combat aérien en mai 1916, près de Verdun.

A l’escadrille des sportifs

André était de sept ans son cadet. Et s’il a travaillé pour Peugeot, c’est seulement après la guerre qu’il s’est consacré aux courses automobiles. Mobilisé dans le génie puis le train, André est devenu pilote de chasse peu de temps avant la mort de son frère, au sein de l’escadrille N77 surnommée « l’escadrille des sportifs » car y figuraient des champions comme Maurice Boyau, le capitaine de l’équipe de France de rugby. Il y a obtenu une victoire homologuée, une blessure et cinq citations.
Après la guerre, André Boillot s’est consacré aux courses automobiles. C’est lui qui a créé l’écurie Peugeot. Il a remporté la Targa Florio, participé aux 500 Miles d’Indianapolis, aux 24 Heures du Mans et à celles de Spa. Le 5 juin 1932, lors d’un entraînement pour la course de côte d’Ars, à Montgivray (Indre), il est victime d’une sortie de route. Coincé sous la voiture, rapidement secouru, il a été transporté à l’hôpital de Châteauroux. Trépané le 6 et malgré quelques nouvelles encourageantes, André Boillot est décédé, dans cet hôpital, le 8 juin peu après 23 h.

Une Piaf tourangelle

La Touraine l’a adopté après sa mort. Le 25 septembre 1926, André Boillot avait épousé une Tourangelle, Yvonne Hérissé (2). Ils séjournaient souvent ensemble à Saint-Cyr-sur-Loire (3). Il a été inhumé, provisoirement pensait-elle, au Père Lachaise, à Paris, avec son frère Georges. Sa veuve avait accepté la demande de Peugeot qui voulait des grandes funérailles, en présence notamment de Jean-Pierre Peugeot. Mais quand Yvonne Boillot-Hérissé elle a voulu le ramener en Touraine, s’en est suivi un conflit avec la famille. Commencé en 1932, le feuilleton a pris fin en 1935. La veuve a fini par l’emporter devant les tribunaux parisiens. La cour d’appel de Paris a dit qu’en l’absence de volonté du défunt, son épouse, avec qui il partageait sa vie, était la mieux placée pour exprimer les souhaits du défunt.

Robert Poirier et André Boillot au volant de sa Peugeot 172R (1) (@ Famille Poirier)

André Boillot repose désormais – et discrètement – dans le caveau de la famille Hérissé, au cimetière La Salle de Tours. Avec notamment sa belle-sœur Julia (4). Celle-ci avait eu son heure de gloire, sous le nom de Gaby Montbreuse, une « divette » qui avait brûlé les planches dès 1913, alors qu’elle n’avait que 18 ans. Connue pour sa gouaille toute parisienne, la belle-sœur d’André a laissé une inoubliable chanson : « Tu m’as possédée par surprise ». Toute une époque.

Didier Lecoq

Sur BF Gallica

De nombreuses photos d’André Boillot, pilote automobile, sont sur BNF Gallica. Voir

André Boillot sur sa Peugeot en 1922. (@ Agence Rol/BNF Gallica)
Notes

(1) Sur Robert Poirier, pilote automobile et aviateur tourangeau. Lire

(2) Née le 12 juin 1890 à Saint-Michel-sur-Loire, son premier prénom est Maria. Son père était alors tuilier. Tout comme sa mère, Alphonsine Mercier. « Yvonne » est décédée le 9 août 1960 à Savonnières.

(3) Saint-Cyr-sur-Loire n’a pas oublié André Boillot puisqu’une allée porte son nom.

(4) Julia Léontine Hérissé est née le 18 janvier 1895 à Langeais. Profession de son père, Julien, charretier. La famille Hérissé était originaire de Langeais, plus précisément de La Rouchouze où se trouvaient de nombreuses tuileries. Julia-Gaby a épousé Jean-Joseph Dupuich, à Paris, le 18 mars 1924. Elle est décédée à Tours le 28 juin 1943.

En 1935, les sœurs Hérissé ont été victimes d’un cambriolage à Saint-Cyr-sur-Loire. Près de 20.000 Francs ont été volés, en argent et en bijoux. la gendarmerie de La Membrolle a permis d’appréhender le voleur.

A propos Didier Lecoq 89 Articles
Journaliste honoraire. Secrétaire général de la rédaction à la Nouvelle République, à Tours, jusqu'en 2020.

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