Notes d’un pilote disparu

Du lieutenant Marc

L’auteur est Jean Béraud-Villars.

Sa couverture, bleu horizon, date la période où le livre a été mis sous presse. Pendant la Grande Guerre. D’où un compte rendu à trous, des dates qui ne correspondent à rien, des noms qui n’existent pas… Même le nom de l’auteur n’en est pas un. Le discours est remarquable.

L’auteur, Jean Béraud-Villars, pilote de la MF 44 (F.00 dans le livre, 3e escadrille de l’EC 3/3 Ardennes en 2019) puis de la N102 (N.705 dans le livre, 3e escadrille de l’EC 2/3 Champagne en 2019) venait du 26e régiment de dragons. La guerre lui a fait interrompre ses études Administrateur de compagnie d’assurances après-guerre (un héritage familial), il a beaucoup écrit, notamment un remarquable Colonel Lawrence. Quatre fois blessé, dans la cavalerie et dans l’aviation, il a reçu la Légion d’honneur en 1917. En 1939, il a été mobilisé au sein du GC II/5.

Ce n’est pas simple de trouver ce livre. Il existe une version en anglais, d’après-guerre, sans les coups de ciseaux d’Anasthasie. Sinon, vous pouvez le lire et le télécharger sur Gallica (45 Mo). C’est moins drôle que tourner les pages d’un livre mais c’est gratuit. En voici quelques courts extraits, en se souvenant qu’il a été écrit en 1918 :

p 41
Je sais que le téléphone a bouleversé les conditions de la guerre en supprimant les distances, mais par ailleurs, quelle plaie ! Il a donné naissance à deux choses redoutables : le bavardage et l’absence de chef.

p 95
Est-ce la fatigue, l’énervement, la détente physique après le danger et le bruit ? A coup sûr, ce n’est pas sentimentalisme, on ne pleure pas chez nous, les larmes font de la buée aux lunettes et les aviateurs doivent garder les yeux clairs.

p 97
Et puis, il y a une opinion qu’on n’enlèvera jamais aux civils et à bon nombre de militaires, c’est que les aviateurs sont des sortes de danseurs de corde, un ramassis de cerveaux brûlés, de mécanos ; et qui me croira lorsque j’irai dire que, parmi tous mes amis et camarades de l’aviation du front, je n’ai jamais rencontré que des soldats.

P 135
Il y a trois sortes de pilotes : ceux qui se font tirer l’oreille pour passer les saucisses et n’attaquent jamais un Boche à moins de 400 mètres. Ceux-là il faut se dépêcher de leur donner la Croix de guerre dont le désir les retient seul au front, et que réclament discrètement pour eux, deux fois pas mois, les huiles les plus diverses […]
Puis il y a les as, les grands as. Ce sont des gens à part qui allient au courage un don spécial. Leur décision, leur rapidité, leur précision, leur adresse les mettent aussi loin de nous autres, pilotes normaux, que peut l’être le jongleur chinois d’un bon joueur de tennis […]

Point n’est semblable la situation de la troisième espèce de pilotes, les bons pilotes de troupe. Ceux-là entraînés et habiles n’ont pas la maîtrise des précédents ; quand ils s’en prennent à un avion, ils ont beaucoup de chances de le rater, car le tir avec une mitrailleuse fixe est une chose extrêmement difficile. Mais s’ils ne descendent pas le Boche, ils entravent son travail et le forcent à rentrer dans ses lignes. Ce sont les chiens de garde. A ces pilotes, le gros travail, les barrages, la protection […} C’est parmi eux que je demande la permission de me ranger, ainsi d’ailleurs que le plupart de ceux qui m’entourent ; nous ne sommes pas des as, mais nous faisons un boulot utile. Des tas de biplaces ennemis ont dû, à cause de nous, abandonner leur mission ou ramener leur observateur tué ou blessé. Il y en aura bien un, un jour ou l’autre, qui consentira à descendre, si toutefois nous ne le précédons pas nous-mêmes …

Sur Gallica. Le lien

En savoir plus

La fiche matricule de Jean Béraud-Villars sur Le Grand Mémorial

Sa bibliographie

L’Empire de Gaô. Un État soudanais aux xve et xvie siècles, Plon, 1942.
Les Touareg au Pays du Cid. Plon, 1946
Les Normands en Méditerranée. Éditions Albin Michel, 1951.
Le Colonel Lawrence ou la Recherche de l’absolu. Éditions Albin Michel, 1955
L’Islam d’hier et de toujours. Éditions Arthaud, 1969

A propos Didier Lecoq 89 Articles
Journaliste honoraire. Secrétaire général de la rédaction à la Nouvelle République, à Tours, jusqu'en 2020.

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