Mitrailleur, Roger Desjardins a trouvé la mort en 1936, à Saint-Raphaël (Var), lors d’un entraînement aérien au tir. Il a été inhumé à Saint-Symporien. Il appartenait à la 31e escadre de Tours après être passé par le 12e RAB, le 35e RA et le Groupe des avions nouveaux. Sa famille a remis ses documents (dont trois carnets de vol) et des objets à la base de Tours.
Un accident très rare, même si ce n’est pas une première pour les aviateurs de Tours. Le 3 août 1936, l’adjudant Roger Desjardins, mitrailleur à bord du Breguet 270 n°67 est éjecté en plein vol. Selon ses camarades présents à Saint-Raphaël, il a été arraché par l’ouverture accidentelle de son parachute. Sa tête a heurté la dérive de l’avion. Lorsque les secours l’ont recueilli, l’adjudant Desjardins était mort. Il a reçu la Légion d’honneur à titre posthume en décembre 1936.
Un an plus tôt, le lieutenant François Nouël de Buzonnière (1) était mort au cours d’une mission photo, cette fois à La Courtine (Creuse), éjecté par les mouvements de l’avion. Son parachute n’avait pas eu le temps de s’ouvrir.
Exercice de tir aérien à Saint-Raphaël
L’accident de Roger Desjardins a donc eu lieu à Saint-Raphaël. La 2e escadrille de la 31e escadre de Tours (Sal 10) était à l’entrainement au tir. Les Breguet 270 étaient partis de Tours la veille, 4 h 45 de vol avec une escale à Lyon-Bron. Ils étaient au moins cinq, sans doute six : les Breguet 270 numéros 67, 74, 94, 95 et 115.
La délégation était emmenée par le commandant André Enslen, commandant du 1er groupe (2). Étaient du voyage, côté pilotes, outre Enslen : le lieutenant Augustin de Chasseval, commandant de la Sal 10, l’adjudant Jules Regnoux (3), l’adjudant Robert Vaux, le sergent Laurent Pochart (4) ; côté passagers, le lieutenant Antonin Bataillé (5), le sous-lieutenant observateur Hervé Longuet, l’adjudant-chef Paul Fourneau (6), le sergent mécanicien Louis Guillou, , le sergent mécanicien Gabriel Crespo, le sergent mitrailleur Dominique Doncarli. Et bien sûr l’adjudant Roger Desjardins.
D’abord dans les chars
Engagé en 1923, Roger Desjardins a commencé sa carrière miliaire dans les chars d’assaut. Au Levant. Il a intégré le personnel navigant comme élève-mitrailleur au 12e régiment d’aviation de bombardement, à Neustadt, en mai 1926. Il a volé sur Breguet 19 B2 à la 5e escadrille (Br 131) jusqu’en septembre puis à la 8e (Br 9). Il était alors sergent (7).
Il avait 80 heures de vol lorsqu’il a quitté l’Allemagne en novembre 1927 en suivant la Br 9 qui a rejoint le 35e régiment d’aviation dont elle est devenue la 15e escadrille, à Lyon-Bron. Ce déplacement s’accompagne d’un changement de domaine, du bombardement à l’observation, et donc d’avion, du Breguet 19 B2 au Breguet 19 A2.
Son premier entraînement à Lyon, le 5 décembre, est un entraînement au pilotage (des tours de piste) avec le lieutenant Pasquier sur le Breguet 19 A2 n°771. Il n’y aura pas de suite. Roger Desjardins fait beaucoup de photos, ce qui est logique pour un mitrailleur dans une escadrille de reconnaissance.
C’est à Lyon qu’il commence de grands voyages avec un demi-tour de France : Bron – Nîmes – Toulouse – Rochefort – Châteauroux – Bron. Sans oublier les passages obligés en stage de tir à Cazaux et Hyères et les manœuvres à Feniers. Il participe également au rassemblement de Vincennes en mai 1929.
Dis-moi dans quoi tu voles…
Roger Desjardins quitte Lyon et le 35e régiment pour Villacoublay et le Groupe des avions nouveaux en 1929. Comme son nom l’indique, le GAN est chargé de tester les avions nouveaux, leur utilisation et leur endurance. En septembre 1933, le GAN est devenu le Centre d’essai du matériel militaire (CEMA).
Pour ses débuts, côté avion, rien de bien excitant : Potez 25 et Breguet 127. Roger Desjardins participe à différents vols sur Potez 25, Breguet 19, LeO 20, Breguet 127, Amiot 122, Hanriot 431 puis 432 et 437, qu’il s’agisse de contrôle d’endurance ou de tests de matériel (bougies, parachutes, photo).
L’adjudant Desjardins se constitue une belle collection d’avions. Des multiplaces, bien sûr, puisqu’il n’est pas pilote. Un véritable inventaire d’avions sans avenir. Souvent des numéros 1 qui n’auront pas de numéros 2. Citons le Guillemin de transport sanitaire JG41 en 1932, le Loire 11, le Potez 402, trimoteur de police coloniale ; le SPCA 81, un monomoteur destiné à l’aviation coloniale ; le Farman 196, monomoteur ; le Morane-Saulnier 330 pour des essais de consommation en février 1933 ; le Romano 160 en décembre 1933 ; le Dewoitine 430 triplace, en juillet 1933 ; le Breguet 411, un quadriplace de bombardement ; le Latécoère 490 n°1 en juillet 1932, le Potez 371 en 1934.
Certains annoncent des dérivés : le Morane-Saulnier 311, l’Amiot 140M, quadriplace de bombardement, précurseur de l’Amiot 143, véritable paquebot aérien ; en octobre 1932, le Mureaux 110 n°1 avec le lieutenant Jean-Pierre Castanier qui se tuera en décembre à Toussus-le-Noble aux commandes d’un trimoteur, le Potez 401. Ce n’était pas sans risque pour tous ceux qui montaient à bord.
Mais aussi sur le Mureaux 112 n°3 en juillet 1934, avion qui a remporté la coupe Bibesco ce mois-là. Ces Mureaux se déclineront en 113 et 115.Certains prototypes ont fait carrière comme le Potez 390 à partir de mars 1931 (1 et 2), le Bloch 120 trimoteur, sur lequel il vole en septembre 1933 ; puis, en septembre 1934, sur le Bloch 200 n°1 (essai planche observateur).
Quelques avions dans lesquels l’adjudant Desjardins est monté
Dis-moi avec qui tu voles…
Pour Roger Desjardins, c’est aussi l’occasion de côtoyer des pilotes renommés ou qui vont le devenir.
Dès le mois de décembre 1929, il vole en compagnie du capitaine Roger Delaître (futur commandant de l’école d’Istres) et du commandant René Weiser. Normal, ce sont les cadres du GAN. Ainsi qu’avec le sergent-chef Joseph Fangeaux. Tous les deux vont à Tours sur un Potez 25 et effectueront un aller-retour Tours – Villacoublay- Tours en vol de nuit (8). Ils se retrouveront à la 31e escadre de Tours.
En juillet 1930, Roger Desjardins effectue des essais en altitude avec le sergent Louis Massotte sur Amiot, sans doute sur un Amiot 122. Massotte venait juste d’arriver au GAN qu’il quittera en 1931 pour devenir pilote d’essai et de voltige pour Blériot-Spad. Il trouvera la mort le 15 juin 1937 en essayant le Spad S.710 (biplan de chasse à train rentrant et empennage en V).
En juin 1931, il vole sur le Hanriot 432 (LH 432) n°1 puis l’avion sanitaire LH 437. Ce n’est pas l’avion qui compte mais le pilote, le jeune sergent Rastel. Ils referont un vol le mois suivant sur cet avion pour des essais de vibration. Longtemps après cette trapanelle, Daniel Rastel sera pilote d’essais chez Dassault et dépassera Mach 2 avec le Mirage III A (9).
En mars 1933, Roger Desjardins accompagne l’adjudant-chef Paul Wernert sur le Potez 390 n°1 (10). Paul Wernert, élève de Joseph Thoret dans les Alpilles, avait fait mieux que son professeur, de quatre minutes, le 11 mai 1925, avec un vol sans moteur de 9 heures 17 minutes, sur un Hanriot HD 14, hélice calée. En mai, ils effectuent un vol pour l’essai d’un nouveau radiateur sur un Potez 25. Rien de bien excitant.
Le 2 mars 1934, un vol de nuit attire l’attention. Le pilote n’a pas de grade : M pour Monsieur. Le nom est mal orthographié à cause d’une inversion de lettres : Zeigler. Il s’agit du futur chef technique du CEMA qui emmène Roger Desjardins pour un essai de feux sur le Potez 25 n°1471 : Henri Ziegler, le père du Concorde et l’un des fondateurs d’Airbus.
Dis-moi avec qui tu voles…
Didier Lecoq
Notes
(1) François Nouël de Buzonnière est né le 6 octobre 1909 à Bommiers dans l’Indre. Sa famille était originaire du Loiret et de Sologne. Il a été inhumé dans le caveau familial, à Orléans. Entré à l’école spéciale de Saint-Cyr, en même temps que Jacques Soufflet, en 1930. Son pilote était le lieutenant Porra.
(2) André Enslen commandait la 31e escadre de bombardement en 1939. Dès la première sortie, en reconnaissance au-dessus de l’Allemagne, deux Bloch 200 étaient perdus, dont le sien (le 132). Il a été fait prisonnier.
(3) C’est lui qui pilotait le Breguet 270 d’où Roger Desjardins a été éjecté. Pour sa première mission de guerre, le 19 septembre 1939, sur LéO 45, il s’écrase peu après le décollage. Il n’a été que contusionné.
(4) L’adjudant Laurent Pochart est né le 4 novembre 1912 à Saint-Pierre-Quilbignon (Finistère). Il est mort pour la France dans un accident de LéO 451 le 14 avril 1940 à Conilhac, dans l’Aude.
(5) Il sera breveté pilote en 1939 au Groupe aérien d’observation 514.
(6) L’adjudant-chef Paul Fourneau est mort pour la France le 17 mai 1940 à Floyon (Nord) à bord du LeO 451 n° 61, abattu par la chasse allemande. Il était toujours à la 2e escadrille du GB I/31.
(7) Voir la photo de la Br 9 en 1927, sur le site Traditions de l’armée de l’air de Henri Guyot. > Le site > La Br 9 en 1927.
(8) Joseph Fangeaux est né en 1903 à Toulouse. Il est décédé en 1980, près de la base de Tours, à Rochecorbon où il a été inhumé. Joseph Fangeaux avait été pilote au 3e RAC de Châteauroux. Le 5 juillet 1928, il pose son NiD-29 en catastrophe à Tours, le plan supérieur désentoilé. Il a eu un accident au GAN, lorsque son avion a pris feu en vol. Il a réussi à se poser, en est sorti indemne ainsi que ceux qui l’accompagnaient. Il a quitté le CEMA pour la 31e escadre un peu avant Desjardins. Il était à la 4e escadrille, 2e groupe (Sal 56). En septembre 1939, il est revenu à la 31e escadre après sa formation sur LéO 45 à Reims. Il a commandé la 2e escadrille à partir du 17 mai 1940.
(9) Sur Daniel Rastel Lire
(10) Paul Wernert est décédé le 17 mai 1982 à Maisons-Alfort.
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Sur l’escadrille de Roger Desjardins à Tours > Lire
Un grand merci à la famille de Roger Desjardins, à Monique Beuzit-Pochart, à la base aérienne de Tours et notamment au lieutenant-colonel Recolin-Blardon et au capitaine Vuachet.
Didier Lecoq
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